Des ornières de surface, laissées après un passage d’engin en conditions humides, sont souvent les premiers symptômes qui alertent les agriculteurs d’une possible compaction de leur sol. « Avant d’envisager toute intervention de décompactage, un diagnostic doit être posé pour vérifier si le sol est effectivement tassé et si oui, à quelle profondeur, explique Vincent Tomis, chargé de projet chez Agro-Transfert. Nombreux sont les agriculteurs qui se contentent d’une simple observation en surface. Or, en allant voir ce qui se passe « en dessous » on peut affiner la stratégie à mettre en place et limiter les dégâts ! C’est déterminant car une intervention mal raisonnée peut parfois aggraver la situation au lieu de la corriger ».
Le plus simple, conseille Vincent Tomis, « consiste à s’équiper d’une bêche et à isoler un horizon du sol, pour observer son fonctionnement. Si les racines se faufilent facilement, pas de souci. En revanche, si les pivots sont fourchés, coudés, cela indique que la plante a du mal à explorer tous les horizons ». L’autre option consiste à mesurer la résistance à la pénétration du sol, à l’aide d’une tige. On trouve des pénétromètres dans le commerce, à partir de 200 €, mais chacun peut en fabriquer un à partir d’une barre ronde en acier inox d’environ 1 m de longueur et de 10 mm de diamètre. Reste ensuite à installer une poignée à l’une des extrémités et à graduer la tige à 20, 30 et 40 cm pour repérer les différents horizons, soit avec des scotchs de couleurs, soit en pratiquant de légères incisions à la disqueuse. L’enjeu est de quantifier la force nécessaire pour enfoncer cette tige dans le sol : plus la force à déployer est importante, plus le tassement est avéré. « Cette mesure doit se faire à différents endroits de la parcelle, de préférence en sortie d’hiver quand tous les horizons présentent le même niveau d’humidité », conseille-t-il.
La betterave, en tant que culture à pivot, est particulièrement sensible aux phénomènes de compaction. « Un pivot coudé augmentera la tare terre et limitera le rendement », précise Vincent Tomis. Mais pourquoi un sol est-il plus sensible à ce phénomène qu’un autre ? « Tout est question d’équilibre entre la résistance du sol et la pression exercée sur ce dernier ». Si la pression est supérieure à la résistance, il y aura tassement. En dehors de la réduction de l’humidité du sol (ce qui n’est pas simple à mettre en œuvre), peu de leviers existent pour augmenter la résistance d’un sol. En revanche, il est aisé d’agir sur la pression exercée sur le sol. Comment ? « En diminuant le poids des engins ou en jouant sur les pneumatiques : soit en augmentant leur largeur ce qui réduit la pression exercée au cm2, soit en ajustant la pression du gonflage. Chaque agriculteur devrait, en pratique, connaître les tables de gonflage ! À chaque vitesse d’avancement et poids à la roue correspond une pression de gonflage. »
La pression du pneu influe sur le tassement des 20 à 25 premiers centimètres du sol. Au-delà, c’est la charge exercée sur les pneus qui est déterminante. Or, comme le constate Vincent Tomis, « la taille des engins agricoles ne cesse d’augmenter, en raison notamment du développement des arracheuses intégrales. Les pneumatiques ont eux aussi évolué, avec des dimensions plus larges. Conséquence : la tendance est au déploiement de matériels de plus en plus gros ! Certaines intégrales affichent jusqu’à 28 t de charge par essieu. C’est énorme ! Quand le sol est sec, pas de souci. Mais quand les arrachages se font en conditions humides, l’impact est très fort. Dans ce cas, il est conseillé de vider plus fréquemment la trémie afin de limiter la charge. »
Limiter les tassements, c’est avant tout se projeter à l’échelle de la rotation en identifiant les cultures les plus sensibles à la compaction. La betterave en fait partie, tout comme la pomme de terre ou le maïs. « Un défaut d’enracinement complique l’alimentation de la plante et peut, en pomme de terre par exemple, amputer le rendement de 30 %. En betterave, c’est surtout l’étape de l’arrachage qui est la plus sensible ». Mais heureusement, des solutions existent pour corriger les tassements. « Le décompacteur doit être utilisé uniquement si le phénomène est avéré. L’observation d’un horizon du sol définira à quelle profondeur travailler. »
Reste ensuite à choisir le bon outil : dents droites, courbées, inclinées vers l’avant ? « Pour moi, le mieux est d’opter pour des dents droites fines pour travailler avec précision, sans remonter de gros blocs de terre difficiles à affiner. Dans certaines situations, n’oublions pas que le climat, avec ses alternances de périodes d’humectation et de dessiccation, peut suffire à limiter le tassement par la fissuration du sol ». S’il n’y avait qu’un conseil à retenir ? « Observer régulièrement ses sols sur 30 à 40 cm de profondeur pour « se faire l’œil » et repérer ainsi, année après année, les éventuelles modifications de leur structure. L’expérience de l’agriculteur reste une valeur sûre ».
Un chiffre à retenir : 50 %
Un sol est considéré comme « tassé » si sa porosité est inférieure à 50 % : plus le chiffre sera faible, plus la compaction sera importante. La porosité est le volume des espaces lacunaires remplis d’eau et d’air par rapport au volume total de la terre. La porosité d’un horizon traduit sa réserve en eau, la circulation de l’eau, de l’air et les possibilités d’enracinement des cultures.