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Lutter contre les insectes : et si vous laissiez faire la nature ?

Les insectes auxiliaires sont des alliés de poids dans la lutte contre les ravageurs. Raphaël Rouzes, entomologiste spécialiste du monde agricole, apporte, grâce à son œil averti, de précieux conseils pour favoriser cette lutte alternative.

 · 03 avril 2020 · 

5 min

Entomologiste de formation et initié à cette discipline dès son plus jeune âge par son père, Raphaël Rouzes se décrit comme un artisan. « Je fais du sur-mesure », explique-t-il. En 2010, il crée, avec son épouse, sa société « Entomo-Remedium » ((https://entomo-remedium.com/)). Depuis, il parcourt la France pour aider les agriculteurs, les firmes, les instituts techniques, les techniciens de chambre d’agriculture, de laboratoires privés ou publics à identifier la moindre petite bête. « Ma spécialité ? Ce sont les auxiliaires, confie-t-il. La biodiversité de nos champs est tellement riche que toutes les espèces n’ont pas encore été identifiées. Mais nous pouvons déjà profiter des multiples atouts de ces populations ».


La dynamique est lancée

Raphaël reconnait que dans le milieu agricole, les plus « en avance » sont les arboriculteurs, suivis par les viticulteurs. « En grandes cultures, techniciens et agriculteurs ont encore beaucoup à apprendre, souligne-t-il. Mais depuis deux ou trois ans, une réelle dynamique est engagée pour stopper l’érosion de la biodiversité, limiter le recours aux produits phytosanitaires et favoriser l’utilisation d’alternatives, à commencer par les auxiliaires pour réguler les populations de ravageurs. »


Troquer le pulvé contre une loupe

La betterave héberge, comme la plupart des cultures, tout un cortège de prédateurs généralistes (chrysopes, araignées, opilions, carabes, staphylins...) et spécialistes (coccinelles et syrphes) ainsi que des guêpes parasitoïdes qui se délectent de pucerons à profusion. « Tous ces insectes sont les amis des agriculteurs : les repérer dans une parcelle, c’est signe que la lutte a déjà débuté, constate-t-il. Mon rôle est d’expliquer qu’à la vue des pucerons, le premier réflexe ne doit plus être de sortir le pulvérisateur mais bien d’observer ses cultures pour repérer d’éventuels alliés naturels. Des fiches, publiées sur mon site internet, aident les agriculteurs à les reconnaître. »

 

Leur offrir le gîte et le couvert

Tout l’enjeu de l’agroécologie est aussi de favoriser ces populations d’auxiliaires : de leur offrir le gîte et le couvert pour les maintenir dans et autour des parcelles. « Pour les attirer, nous conseillons de préserver des espaces « sauvages » et complexes autour des champs cultivés, précise-t-il. Des haies, des bords de champ non tondus, des bois... toute une mosaïque de paysages qui abritera une variété d’espèces floristiques avec des dates de floraison étalées. Les fleurs naturelles les plus insignifiantes sont les plus efficaces ! Une étude, publiée en octobre 2019, et compilant les données de plus de 89 essais sur 1500 sites de tous les continents, révèle que la simplification des paysages réduit de 30 % l’efficacité de la pollinisation et de 50 % la régulation naturelle des ravageurs. » (Dainese et al., 2019)


Stop aux idées reçues

Beaucoup d’agriculteurs pensent que ne pas entretenir les bords de champ attirera les ravageurs des cultures ! Faux. « Cela fait partie des fausses idées tenaces, concède Raphaël. Les ravageurs des cultures sont, dans la grande majorité des cas, spécifiques de la plante cultivée. À l’inverse, les auxiliaires ont besoin de consommer du pollen et du nectar pour atteindre une bonne maturité ovocytaire et ainsi, boucler leur cycle de reproduction. La proximité de nourriture est essentielle. »

 

Installer des pièges pour repérer leur arrivée

En betterave, l’observation peut débuter dès le mois d’avril, quand les populations de pucerons sont susceptibles d’arriver et avec elles, les premiers auxiliaires. « La pose de pièges, cuvettes jaunes ou pots au ras du sol, reste un bon outil pour suivre l’arrivée des insectes, poursuit-il. La plus grande peur des agriculteurs reste que les auxiliaires ne soient pas assez efficaces. Il est vrai que dans les premiers temps, faire confiance à la nature peut être difficile. Mais la régulation est souvent fulgurante et impressionnante. Au cours d’une journée chaude de début juin, des essais ont montré qu’en 24 h, plus de 80 % de la population de pucerons noirs (Aphis fabae) pouvait disparaitre en présence de cantharides, de carabes et d’araignées. » : un moyen de lutte efficace et économique (Landis et al., 1997) !

 

Zoom sur trois grands types d’auxiliaires 

  • Les prédateurs : des généralistes comme les araignées ou des spécialistes comme les coccinelles. Plus de 200 000 espèces de par le monde ont été identifiées.
  • Les parasitoïdes comme par exemple des micro-guêpes spécialistes d’un stade particulier de ravageur. L’exemple le plus connu : les trichogrammes qui pondent dans les œufs de la pyrale du maïs. Près de 85 000 espèces.
  • Les pathogènes : champignons, virus, bactéries... Sont les maladies des ravageurs provoquant de véritables épidémies au champ...

Sources :
A global synthesis reveals biodiversity-mediated benefits for crop production. Matteo Dainese et al. Science Advances 16 Oct 2019
Early-season predation impacts the establishment of aphids and spread of beet yellows virus in sugar beet. d. a. landis (1) • w. van der werf (2) entomophaga 42 (4), 1997, 499-516

 

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