L’enjeu, pour les années à venir, est de mettre au point de nouvelles alternatives tout en préservant l’efficacité des molécules encore homologuées.
« Au cours des dernières décennies, de nouvelles familles chimiques herbicides sont apparues sur le marché. Les Dim, les Den, les sulfonylurées ont succédé aux Fop mais avec, au bout de quelques années, le même constat : une baisse d’efficacité due à la sélection de résistances, rappelle Mathieu Charpentier, technicien au sein du service Agronomie Conseil et Innovation (CTI) de Soufflet Agriculture. Désormais, certaines adventices graminées affichent même des résistances croisées à plusieurs modes d’action d’herbicides foliaires. Sur céréales, la lutte se complexifie avec la nécessité de recourir à des solutions racinaires, en pré-levée ou post-levée précoce à l’automne , avec des grammages utilisés à l’hectare plus importants. Même si l’agronomie reste le premier levier à actionner, les solutions chimiques sont pour l’heure indispensables car complémentaires. »
L’enjeu est donc de préserver les molécules encore disponibles sur le marché. Comment ? « En ajustant les doses, en alternant les modes d’action utilisés au sein de la rotation, en utilisant des herbicides spécifiques aux cultures de printemps quand un traitement est nécessaire à cette époque, poursuit-il. Car moins on aura de produits disponibles, plus ceux-ci seront utilisés et plus la pression autour d’une éventuelle apparition de résistance sera forte. Dans nos essais, nous expérimentons différents programmes en modulant les doses et en associant plusieurs molécules pour tester leur sélectivité et leur efficacité en fonction des types de sol, des adventices présents et de leur pression. L’objectif est aussi de se préparer à de possibles nouvelles restrictions réglementaires et au retrait du marché de certaines molécules jusque-là incontournables. »
Comme le rappelle Mathieu Charpentier, « le désherbage ne peut pas être basé uniquement sur la lutte chimique. Car cette solution a ses limites, coûte cher à l’agriculteur et peut avoir un impact non négligeable sur l’environnement. D’où la nécessité de déployer des solutions alternatives. Les essais des années passées ont montré que le labour, une année sur trois, l’allongement des rotations, le décalage de la date de semis… fonctionnaient très bien. Tout comme la technique du faux semis par exemple, qui consiste à faire lever les adventices, et à les détruire avant le semis de la culture principale. Cette pratique, très utilisée avant l’implantation des céréales, est beaucoup moins efficace lors d’années sèches quand le manque d’eau perturbe la levée des adventices. »
Plusieurs sociétés innovantes proposent des solutions alternatives notamment des drones robotisés ou encore des systèmes de désherbage électrique : ces derniers étant en cours de développement pour les adapter à la grande culture.
Parmi les stratégies auscultées par Soufflet Agriculture, celles liées à l’agriculture de conservation des sols sont étudiées avec attention. L’idée est de mobiliser le moins possible le sol pour éviter de faire remonter les graines d’adventices. Le semis de céréales dans un couvert de légumineuses est également testé mais à vrai dire, nous n’en sommes qu’aux balbutiements.
Il est également intéressant de regarder les pratiques des agriculteurs bio constate Mathieu Charpentier. Le désherbage avec une gestion mécanique par binage ou passages d’outils type herse étrille est souvent efficace, mais il ne faut pas perdre de vue que la réussite passe par un changement global du système de culture, rotation, fertilisation, implantation…
« Pour l’heure, force est de constater que rien ne remplace, en termes d’efficacité, l’association de l’agronomie et de la chimie. »